Patrick Tudoret : « L’amitié est un luxe inouï qui rend ce monde plus habitable

Beaucoup de livres ont déjà été écrits sur l’amitié. Qu’est ce qui vous a incité à en écrire un de plus, qui soit différent des autres ?

C’est d’abord Gaële de la Brosse, la directrice de la collection « Le Petit Livre de… » aux Éditions Salvator, qui m’a convaincu d’écrire ce livre sur l’amitié, un thème dont elle sait qu’il me tient à cœur. Je voulais justement faire abstraction de tout ce qui a été publié sur l’amitié et, en effet, les rayons de librairie sont remplis d’ouvrages. Comme pour mon livre, « En marchant », je ne voulais pas commettre un ouvrage théorique mais un texte nourri de ma vie personnelle, donc de mes amitiés. Je ne conçois pas ma vie sans amis. Je ne crois…

Beaucoup de livres ont déjà été écrits sur l’amitié. Qu’est ce qui vous a incité à en écrire un de plus, qui soit différent des autres ?

C’est d’abord Gaële de la Brosse, la directrice de la collection « Le Petit Livre de… » aux Éditions Salvator, qui m’a convaincu d’écrire ce livre sur l’amitié, un thème dont elle sait qu’il me tient à cœur. Je voulais justement faire abstraction de tout ce qui a été publié sur l’amitié et, en effet, les rayons de librairie sont remplis d’ouvrages. Comme pour mon livre, « En marchant », je ne voulais pas commettre un ouvrage théorique mais un texte nourri de ma vie personnelle, donc de mes amitiés. Je ne conçois pas ma vie sans amis. Je ne crois pas être doué pour beaucoup de choses mais je suis sûr de l’être pour l’amitié.

Le poète Pierre Reverdy l’affirme, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Ce qui s’applique aussi parfaitement à l’amitié qui est une des formes les plus exigeantes de l’amour.

Une chanson d’Henri Tachan assure qu’entre l’amour et l’amitié, il n’y a qu’un lit de différence.

Oui, une amitié, basée sur la confiance et le désintérêt, peut être aussi forte que l’amour, sans la connotation sexuelle de ce dernier. L’amitié commence en fait plus tôt que l’amour, quand on est enfant, même si, à cet âge, on ne sait ni verbaliser ni rationaliser ce qu’est cette amitié. Mais on se dit « amis jusqu’à la mort », le lendemain, « on est fâchés à mort » et on se réconcilie le jour d’après.

Il y a des séparations géographiques ou scolaires qui peuvent être douloureuses et les parents disent à l’enfant : « Tu te feras d’autres copains. » L’amitié est un chapitre fondateur de sa vie future, une préparation à l’amour qui se manifeste plus tard.

« L’amitié commence en fait plus tôt que l’amour, quand on est enfant »

Pourquoi ne pourriez-vous vivre sans amis ?

Aristote l’a déclaré avant moi : « Nul ne souhaiterait vivre sans amis. » Ceux-ci m’ont rendu meilleur, m’ont élevé au sens littéral du mot. Je porte un regard lucide sur notre monde, c’est-à-dire que je le considère comme un vaste chaos. L’amitié est un antidote à cette sombre vision.

Vous évoquez certains de vos amis, comme le cinéaste Alain Jessua.

C’était mon grand frère même s’il me rendait dix-huit centimètres, il avait quinze ans de plus, ce qui n’avait aucune importance. Notre amitié est née par hasard, même si je connaissais évidemment ses films. Je parle à son sujet de coup de foudre amical et de « gémellité stellaire » car nous nous retrouvions sur des sujets sans même nous en être parlé.

Je crois à une espèce d’alchimie grâce à laquelle on se connaissait avant de se rencontrer et toute explication rationnelle ne servirait à rien.

Faut-il hiérarchiser son amitié ?

On le fait à l’enfance mais je n’ai jamais senti le besoin de hiérarchiser mes amis. Cela m’ennuie et je ne saurais dire qui est mon meilleur ami. Il y a les frères d’armes avec lesquels on se sent bien, avec lesquels on peut évoquer les mêmes choses ou en rire. Et puis les frères d’âme qui relèvent plutôt de la grâce ou de l’alchimie.

« Comme en amour, la jalousie est un sentiment délétère qui détruit tout »

Est-ce que vous cloisonnez vos amis ou aimez-vous qu’ils se rencontrent ?

J’aime bien que mes amis se rencontrent mais je parviens à savoir si, entre certains, ça va coller ou si, au contraire, ça va coincer. Certaines personnes qui se sont connues grâce à moi, par exemple dans ma maison de Vendôme, ont noué des liens amicaux extrêmement forts et je n‘en ressens aucune jalousie. Au contraire. Comme en amour, la jalousie est un sentiment délétère qui détruit tout. Je me réjouis du bien qui arrive à mes amis, même s’il leur arrive plus de bien ou de bonheur qu’à moi. C’est une preuve d’amitié.

La couverture du livre renvoie à votre passion pour la marche puisqu’on voit un randonneur tendre la main à l’autre.

Je l’ai déjà écrit, la marche est en effet un puissant exhausteur d’amitié. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer marcher seul ni de penser, comme Georges Brassens, qu’au-delà de quatre, on est une bande de cons.

Quand on marche, on est en communion avec celles et ceux qu’on aime, qu’ils soient vivants ou morts.

Vous tordez le cou à l’idée que l’amitié entre un homme et une femme est impossible.

Elle est possible, l’histoire regorge d’exemples et je le sais pour l’avoir vécu moi-même. J’ai noué de très belles amitiés avec des femmes, dépourvues de toute ambiguïté. C’est celle-ci qui peut tout gâcher, quand l’un des deux veut franchir le pas et l’autre non. Mais je ne peux pas être ami avec des hommes qui tiennent des propos lourdauds et graveleux sur les femmes. Pour être tout à fait franc, de tels propos existent aussi chez des femmes à propos des hommes.

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Peut-il y avoir des ruptures amicales comme il y a des ruptures amoureuses ?

Elles obéissent aux mêmes mécanismes. Soit on vide brutalement son sac et on n’y revient pas, soit, pire encore, l’amitié ou l’amour meurent de l’usure. Pour imager mon propos, vous avez deux voitures qui se suivent sur une route et tournent aux mêmes moments, jusqu’à ce que la première vire à droite et la deuxième à gauche.

L’amitié est comme une plante qu’il faut entretenir et sur laquelle il faut veiller parce que c’est un luxe inouï qui rend ce monde plus habitable. Pour ma part, j’appelle régulièrement mes amis pour savoir comment ils vont. Il m’arrive d’ailleurs de me demander pourquoi eux ne me téléphonent pas.

Vous citez évidemment Montaigne qui parlait de son amitié avec La Boétie avec cette phrase célèbre : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. » Mais La Boétie a lui aussi écrit des mots magnifiques sur l’amitié.

La Boétie était un génie, Montaigne a été le premier à le reconnaître. Ce qu’il écrit sur « les méchants quand ils s’assemblent, c’est un complot, non pas une compagnie. Ils ne sont pas amis, ils sont complices » est d’une étonnante actualité alors qu’il vivait au XVI^e siècle.

« Le Petit Livre de l’amitié », de Patrick Tudoret, éd. Salvator, 133 p., 9,90 €.

Bio express

Né à Oran en 1961, Patrick Tudoret a vécu à La Rochelle et y revient régulièrement. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont le dernier, en 2023, sur l’une de ses passions, la randonnée : « En marchant, petite rhétorique itinérante. » Il a aussi écrit une pièce de théâtre sur Juliette Drouet, le grand amour de Victor Hugo.